Quand la réalité rattrape la fiction…

Les romanciers seraient-ils dotés d’un pouvoir divinatoire ? Leur imagination leur permettrait-elle de prédire l’avenir ?

L’armée française semble plutôt le croire puisqu’en 2020, elle a annoncé avoir créé une « Red Team » composée d’auteurs de SF, chargés d’anticiper les menaces du futur. Tout un programme !

Pour l’instant, je n’ai été contacté par aucune institution, mais qui sait si ce présent article ne va pas me valoir un jour de devenir membre de la « Rainbow Team » du ministère de la Joie de vivre ?

Car en effet, je pense pouvoir me targuer en tant qu’auteur d’avoir prévu avant l’heure, dans mon ouvrage Du Rififi à Bucarest, au moins deux événements assez amusants (à défaut d’être militairement stratégiques), deux drôles de coïncidences en tout cas dont je souhaitais aujourd’hui vous parler.

Tout d’abord, le rapprochement entre la comédienne Medeea Marinescu et la gérontologue Ana Aslan, deux Roumaines célèbres appartenant pourtant à des générations bien différentes et représentant des domaines d’activités sans aucun rapport, avec d’un côté le monde du spectacle et de l’autre celui de la recherche médicale.

Et cependant, un lien s’est immiscé entre ces deux femmes dans mon récit.

En effet, une partie de l’intrigue de Du Rififi à Bucarest est construite sur le thème de la jeunesse éternelle. Or Medeea Marinescu, qui commença sa carrière au cinéma dès l’âge de six ans et qu’une nation entière vit grandir à l’écran, représente aujourd’hui encore en Roumanie le symbole d’une jeunesse immarcescible. De son côté, Ana Vaslan, gérontologue de renommée internationale, fut un fer de lance de la lutte contre le vieillissement et dans les années cinquante, elle créa à cet effet un produit miracle (qui la rendra au demeurant célèbre à travers le monde entier), le Gerovital. Il paraîtrait même que de nombreuses personnalités au cours du XXe siècle aient fait appel à cette cure de jouvence : John F. Kennedy, Marlene Dietrich, Kirk Douglas, Salvador Dalí,…

Dans mon récit, le lien entre ces deux femmes célèbres reste néanmoins indirect et essentiellement symbolique. Dans un premier temps en effet, Medeea Marinescu, qui a accepté d’aider Arthur (le personnage principal du roman) en menant une petite enquête à propos d’un homme surnommé Bogosse87, conclut ainsi son rapport :

Medeea sort alors de sa poche le précieux bristol qu’elle me tend avec fierté, tout en nous en résumant l’essentiel.

— Votre homme s’appelle Bertrand Maillard et travaille comme directeur marketing pour le groupe pharmaceutique SASUFI. Au dos de la carte, vous trouverez son adresse personnelle griffonnée au stylo.

Du Rififi à Bucarest, p. 169-170.

Puis, une fois ce fameux Bertrand Maillard retrouvé, Arthur s’efforce de lui tirer les vers du nez et voici ce que le jeune homme lui révèle alors :

— Et puis Denis a fini par me convaincre. Notamment lorsqu’il m’a parlé d’Ana Aslan et du fait qu’elle avait été à la tête de ce projet. Depuis quelques années, SASUFI est le propriétaire exclusif du Gerovital H3 et ce produit nous rapporte beaucoup d’argent.

Du Rififi à Bucarest, p. 175

Le rapprochement entre ces deux symboles d’une « jeunesse éternelle » paraîtra peut-être un peu fragile (pour ne pas dire tordu) à certain.e.s. Il n’empêche que je ne suis pas le seul à y avoir pensé car depuis quelques mois, figurez-vous que Medeea Marinescu est devenue l’égérie de la gamme de produits cosmétiques… Gerovital ! Troublant, non ?

Autre coïncidence étonnante, et cette fois-ci je ferai court : le goût immodéré du petit Răzvan, âgé de 5 ans dans mon roman, pour les déguisements de super héros et dont voici un exemple :

— Arthur ! Arthur !
Je me retourne en direction de cette voix aiguë. Juste à temps pour voir bondir un petit Spiderman à travers les tombes. Malgré son costume rouge et bleu, et surtout son masque qui lui recouvre le visage, je reconnais rapidement le personnage.
— Salut, Răzvan !

Du Rififi à Bucarest, p. 40.

A l’époque où j’écrivais ces lignes, je m’apprêtais à devenir papa et ne m’attendais certainement pas à ce qu’un jour mon propre fils, lorsqu’il allait avoir l’âge de mon personnage, allait ressembler à ça :

Vertigineux, non ? Bon, je veux bien vous le concéder, mon fils n’est pas le seul enfant à adorer se déguiser en super-héros. Il n’empêche que cette habitude chez lui, comme chez Răzvan, confine à l’obsession !

Cet article vous aura-t-il convaincu des pouvoirs visionnaires que peut parfois avoir l’écriture romanesque ? Je n’en suis pas certain. Il faut dire que le genre plutôt policier de mes ouvrages n’est pas le plus approprié pour une telle démonstration et qu’un roman de science-fiction s’y prêterait certainement davantage. Je vous renvoie d’ailleurs vers l’excellent podcast de Catherine Redelsperger à ce sujet.

En attendant, je trouve réellement fascinant la façon dont mon imagination d’écrivain, œuvrant pourtant à inventer un univers de fiction, sera parvenu à trouver de tels échos dans la réalité. Et je m’effraie parfois d’imaginer les coïncidences de ce genre qui pourraient encore exister et dont je ne serais pas au courant.

En tout état de cause, je souhaite vraiment à Arthur qu’il n’existe pas « pour de vrai » car si tel était le cas, avec tout ce que je lui fais subir dans les deux premiers volets de ses (més)aventures, m’étonnerait que ce pauvre bougre soit d’attaque de sitôt pour le prochain volume…

En attendant que je mène cette petite enquête (et que je me mette surtout plus sérieusement à l’écriture de mon troisième roman), voici pour finir une petite citation d’Ana Aslan à méditer :

« Être éternellement jeune ne signifie pas avoir 20 ans, cela signifie être optimiste, se sentir bien, avoir un idéal dans la vie pour lequel se battre et tout faire pour l’atteindre. »

Prof. Dr. Ana Aslan

Pour ma part, j’ai plutôt tendance à lui donner raison. Et vous ?

Publié par sylvaudetgainar

Sylvain Audet-Găinar est né en 1980 et a fait des études de Lettres à Lyon, à Strasbourg et à Bucarest. Fasciné par la Roumanie, il y a vécu et enseigné le français pendant de longues années. Il a également été le traducteur de plusieurs polars roumains, avant de se lancer aujourd’hui dans l’écriture de ses propres romans.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :