Chapitre 4 – Où il est question de scooter et de la revue Steaua

Entretien avec Andrei Voiculescu, octobre 2020

Alors que j’étais en deuxième année d’études vétérinaires, je ne sais pas ce qui m’a pris mais j’ai voulu acheter un scooter. Sans doute parce que c’était le véhicule le plus abordable financièrement pour moi. J’ai donc mis de l’argent de côté et un jour j’ai contacté un type qui en vendait un. Mais alors que lui et moi faisions un tour avec, on a eu un accident et on a percuté un camion qui nous avait grillé la priorité. Le gars est mort sur le coup tandis que moi, je me suis retrouvé dans le coma pendant cinq jours. Mon père est entré dans une colère noire en apprenant la nouvelle. Dès le départ, il avait été contre cette idée de scooter. Toujours est-il que je m’en suis sorti et que ce terrible accident a quand même eu du bon. À ce moment-là, à l’université, on nous faisait signer un contrat avec l’État dans lequel nous nous engagions, une fois nos études terminées, à accepter n’importe quelle affectation à travers le pays. Pour ma part, j’avais de fortes chances de me retrouver vétérinaire dans un bled paumé. Pas vraiment mon rêve ! Du coup, grâce à ce passage à l’hôpital, non seulement j’ai pu échapper définitivement à l’armée (même s’ils me convoquaient régulièrement pour voir si je n’allais pas mieux) mais j’ai aussi pu quitter l’université sans devoir payer de dédommagement à l’État.

Un peu après cet accident, mon père a aussi pris sa retraite et il s’est mis à s’occuper de la publication de l’œuvre de Vasile Voiculescu. Il faut dire qu’entre-temps le procès de mon grand-père avait été rejugé et il avait été finalement déclaré non coupable. « Victime d’une erreur judiciaire ». Tu parles d’un euphémisme ! Toujours est-il qu’à ce moment-là, ils ont été forcés de nous rendre la maison et mon père a commencé un combat interminable pour récupérer tout ce qui avait été confisqué.

Non sans peine, il a fini par remettre la main sur les manuscrits. Il faut dire qu’à cette époque, mon père collaborait avec un magazine littéraire de Cluj-Napoca, une revue culturelle importante qui s’appelait Steaua. Là, il s’était lié d’amitié avec le rédacteur-chef qui est intervenu en haut lieu pour l’aider à récupérer les manuscrits de mon grand-père. Mais cet homme-là est aussi celui qui, à un moment donné, m’a proposé ma première véritable expérience de journaliste. « Andrei, pourquoi ne commencerais-tu pas à écrire à propos de cette musique qui te plaît tant ? Si tu veux, je te donne une page entière de la revue pour ça. » Il aurait être fou pour refuser une proposition pareille !

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Sommaire

Introduction

Chapitre 1 – Où il est question d’arrestation arbitraire et du barrage de Bicaz

Chapitre 2 – Où il est question d’internat, de tourne-disque et de soirée dansante

Chapitre 3 – Où il est question de tuberculose osseuse et de patinage de vitesse

Chapitre 4 – Où il est question de scooter et de la revue Steaua

Chapitre 5 – Où il est question de Fabrizio de André, du Club A et de Radio Bucarest

Chapitre 6 – Où il est question de Club 33, de Scotch Club, et de Whisky à Gogo

Chapitre 7 – Où il est question d’exil et de galères

Chapitre 8 – Où il est question de Cornel Chiriac et de Radio Free Europe

Chapitre 9 – Où il est question de cartes postales, de « Melogriver » et d’indépendance

Chapitre 10 – Où il est question de transition ratée et d’impossible retour

Chapitre 11 – Où il est question de Munich, de Prague et d’un nouveau départ

Chapitre 12 – Où l’on parle de Radio Bucarest et de permis de travail

Chapitre 13 – Où l’on parle d’édition et d’Harpagon

Chapitre 14 – Où l’on découvre les mélodies favorites d’Andrei Voiculescu

Publié par sylvaudetgainar

Sylvain Audet-Găinar est né en 1980 et a fait des études de Lettres à Lyon, à Strasbourg et à Bucarest. Fasciné par la Roumanie, il y a vécu et enseigné le français pendant de longues années. Il a également été le traducteur de plusieurs polars roumains, avant de se lancer aujourd’hui dans l’écriture de ses propres romans.

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