Chapitre 7 – Où il est question d’exil et de galères

Entretien avec Andrei Voiculescu, octobre 2020

En 1974, j’ai obtenu l’autorisation de quitter le territoire après trois années d’attente. En 1971, j’avais en effet déposé auprès du Conseil d’État tout un dossier pour pouvoir épouser une Allemande et partir vivre avec elle. Trois ans d’attente interminable, de demande de papiers supplémentaires, d’interrogatoires… Et puis à cette époque mon père vivait encore. Ma mère avait obtenu entretemps la nationalité suisse et j’aurais pu demander un rapprochement familial avec elle. Finalement, comme ils m’ont pris pour un type un peu débile et tête en l’air, ils ont fini par me laisser partir. En octobre 1973, quelques mois avant mon départ, mon père était d’ailleurs mort. Dans d’étranges circonstances. Enfin. On n’en saura sans doute jamais plus.

Düsseldorf, Allemagne

C’est ainsi en tout cas que je suis arrivé en Allemagne, à Düsseldorf, où je me suis aussitôt mis à chercher du boulot. Très rapidement, je suis tombé sur une annonce dans le Rheinische Post. Ils recherchaient un DJ dans une boîte de nuit très select de la ville qui s’appelait Catapult. C’était la seule discothèque du centre historique qui restait ouverte jusqu’à cinq heures du matin. Et le salaire était plutôt alléchant : trois mille marks par mois. Le patron qui avait aussi trois discothèques à Ibiza était même prêt à m’embaucher pour faire la saison d’été là-bas. Sauf que lorsque ma femme, enfin mon ex-femme, a vu le genre de filles qui fréquentaient cet endroit, elle a tout de suite mis son veto. Et puis elle ne trouvait pas très normal que je parte au travail à vingt-et-une heures alors qu’elle rentrait du sien à dix-huit. Par conséquent, j’ai refusé ce job. Comme j’étais prêt à accepter n’importe quel travail pour gagner ma vie, je suis allé dans un hôtel qui cherchait un réceptionniste. Mais là, il fallait savoir se servir d’un ordinateur, ce qui était loin d’être mon cas à cette époque. Finalement, je suis allé me présenter dans une usine de plasturgie où j’ai résisté courageusement deux semaines ! On m’y avait propulsé chef de département parce que je parlais quatre langues étrangères. Il s’agissait du département des tondeuses à gazon ! En tant que chef de département, j’étais en réalité responsable d’une centaine de tondeuses que je devais charger tout seul dans un camion de 3,5 tonnes, pour ensuite les apporter à la gare où je devais là encore les décharger tout seul ! Dès le premier trajet, j’ai cru devenir fou ! Le camion était un Mercedes tout neuf tellement énorme que j’ai failli l’emboutir je ne sais combien de fois avant d’arriver à destination. Au bout de deux semaines, j’ai donc démissionné tellement tout cela n’avait aucun sens. Et c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’écrire pour la première fois à Cornel Chiriac.

Pour lire la suite ou revenir en arrière, cliquez sur l’un des liens suivants.

Sommaire

Introduction

Chapitre 1 – Où il est question d’arrestation arbitraire et du barrage de Bicaz

Chapitre 2 – Où il est question d’internat, de tourne-disque et de soirée dansante

Chapitre 3 – Où il est question de tuberculose osseuse et de patinage de vitesse

Chapitre 4 – Où il est question de scooter et de la revue Steaua

Chapitre 5 – Où il est question de Fabrizio de André, du Club A et de Radio Bucarest

Chapitre 6 – Où il est question de Club 33, de Scotch Club, et de Whisky à Gogo

Chapitre 7 – Où il est question d’exil et de galères

Chapitre 8 – Où il est question de Cornel Chiriac et de Radio Free Europe

Chapitre 9 – Où il est question de cartes postales, de « Melogriver » et d’indépendance

Chapitre 10 – Où il est question de transition ratée et d’impossible retour

Chapitre 11 – Où il est question de Munich, de Prague et d’un nouveau départ

Chapitre 12 – Où l’on parle de Radio Bucarest et de permis de travail

Chapitre 13 – Où l’on parle d’édition et d’Harpagon

Chapitre 14 – Où l’on découvre les mélodies favorites d’Andrei Voiculescu

Publié par sylvaudetgainar

Sylvain Audet-Găinar est né en 1980 et a fait des études de Lettres à Lyon, à Strasbourg et à Bucarest. Fasciné par la Roumanie, il y a vécu et enseigné le français pendant de longues années. Il a également été le traducteur de plusieurs polars roumains, avant de se lancer aujourd’hui dans l’écriture de ses propres romans.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :