Tandis que Du Rififi à Bucarest trouve ses origines dans une photo trouvée chez un antiquaire bucarestois, mon deuxième roman, Micmac à Bucarest, est né à partir de six cartes postales, glanées chez le même antiquaire et toutes envoyées à un seul et même destinataire : un certain Andrei Voiculescu.
Dès que je les ai vues, ces cartes ont attirées mon attention parce qu’elles avaient été écrites au début des années 1970, qu’elles provenaient de pays différents (Allemagne, Italie, États-Unis, Pays-Bas, Suède) et surtout parce que trois d’entre elles avaient été rédigées par des jeunes femmes visiblement éperdues d’amour pour ce mystérieux Andrei. Autant dire qu’à mes yeux, je détenais là une source d’inspiration de premier ordre ! Je me suis d’ailleurs aussitôt mis à imaginer la vie de ce bourreau des cœurs roumain qui parvenait à emballer autant de filles venant de l’étranger à une époque où son pays n’était quand même pas des plus ouverts sur le monde.
Ce nom d’Andrei Voiculescu s’est toutefois mis à me turlupiner. Il me semblait l’avoir déjà entendu quelque part. Mais où ? Je me suis donc mis à enquêter. Après tout, si cet Andrei Voiculescu vivait encore et découvrait un jour que j’avais utilisé ses cartes postales à son insu, je doutais que cela l’amuse beaucoup.
Quelques clics plus tard, je découvrais qu’en effet il existait un certain Andrei Voiculescu dont la fiche Wikipedia tient à peu près sur un timbre-poste : « Né le 10 juillet 1945, Andrei Voiculescu est un journaliste roumain. En 1974, il s’exile légalement (pour des raison de mariage) en Allemagne où, à partir de 1975, il commence à travailler pour Radio Free Europe, département de langue roumaine, en tant que présentateur et rédacteur musical. Il est le petit-fils du poète Vasile Voiculescu. »
En lisant qu’il avait épousé une Allemande, ne me demandez pas pourquoi, j’ai tout de suite senti que j’étais sur la bonne piste. En creusant encore un peu, j’ai fini par découvrir que son grand-père habitait rue Docteur Staicovici à Bucarest. Or, plusieurs cartes avaient été envoyées à cette adresse ! Et quand j’ai enfin découvert qu’Andrei Voiculescu avait été DJ sur les bords de la mer Noire au début des années 1970, j’ai aussitôt compris que je venais de découvrir la clé de l’énigme car toutes les autres cartes avaient été expédiées dans un hôtel de Mamaia.
Mais comment contacter cet homme pour qu’il finisse de me confirmer cette hypothèse ? Et surtout, au cas où ces cartes postales se révélaient être à lui, accepterait-il que je m’en serve dans mon prochain roman ? Dans tous les cas, il me fallait en avoir le cœur net. J’ai donc contacté plusieurs amis journalistes en Roumanie susceptibles de le connaître et une semaine plus tard, l’un d’entre eux m’envoyait son numéro de téléphone.
Bigre ! me suis-je alors dit. Comment exposer cette situation rocambolesque à cet inconnu sans qu’il me prenne pour un fou ? Je crois qu’au début de notre conversation, il a d’ailleurs eu cette impression. Il faut dire que cette histoire de cartes postales était si extravagante ! À peine en a-t-il cependant vu les photos qu’il me confirma sur-le-champ en avoir bel et bien été le destinataire. Chose étrange toutefois, il ne les avait jamais reçues ! Ce nouveau mystère remit illico ma curiosité et mon imagination en branle. Et dès le lendemain, je le rappelai pour le bombarder de questions. Car non seulement je souhaitais toujours me servir de ses fameuses cartes dans mon roman mais je voulais à tout prix faire apparaître Andrei Voiculescu en tant que personnage dans ma narration. En effet, si la façon dont nous nous étions rencontrés tenait du romanesque, le destin de cet homme me paraissait une aventure encore plus passionnante et méritait de figurer en bonne place dans mon récit. Hélas ! Le format du roman m’a très vite contraint à faire des choix et certains épisodes de sa vie n’ont pu y figurer.
C’est pourquoi j’ai décidé de vous proposer aujourd’hui cette interview exclusive en quatorze épisodes, afin que vous puissiez découvrir à votre tour, et dans sa quasi intégralité, la trajectoire de cet homme au caractère bien trempé et à l’humour décapant qui croisa ma route par le plus ahurissant des hasards, de ce personnage atypique et si attachant qui passa son temps à dire « tu » à l’Histoire sans jamais pour autant paraître le faire exprès.
Du lundi 30 novembre au dimanche 13 décembre 2020, vous pourrez ainsi découvrir sur ce site un chapitre par jour de cet entretien-fleuve dont voici le menu !
Un grand merci à Andrei Voiculescu pour toutes ses réponses mais également pour l’ensemble des photographies exclusives que vous pourrez également découvrir au fil de notre entretien.
Sommaire
Chapitre 1 – Où il est question d’arrestation arbitraire et du barrage de Bicaz
Chapitre 2 – Où il est question d’internat, de tourne-disque et de soirée dansante
Chapitre 3 – Où il est question de tuberculose osseuse et de patinage de vitesse
Chapitre 4 – Où il est question de scooter et de la revue Steaua
Chapitre 5 – Où il est question de Fabrizio de André, du Club A et de Radio Bucarest
Chapitre 6 – Où il est question de Club 33, de Scotch Club, et de Whisky à Gogo
Chapitre 7 – Où il est question d’exil et de galères
Chapitre 8 – Où il est question de Cornel Chiriac et de Radio Free Europe
Chapitre 9 – Où il est question de cartes postales, de « Melogriver » et d’indépendance
Chapitre 10 – Où il est question de transition ratée et d’impossible retour
Chapitre 11 – Où il est question de Munich, de Prague et d’un nouveau départ
Chapitre 12 – Où l’on parle de Radio Bucarest et de permis de travail
Chapitre 13 – Où l’on parle d’édition et d’Harpagon
Chapitre 14 – Où l’on découvre les mélodies favorites d’Andrei Voiculescu

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